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Ayla gravit le sentier escarpé menant en haut de la falaise. Elle portait un chargement de bois dans un panier suspendu à une sangle passée autour de son front et elle le déposa près d’une colonne de basalte battue par les intempéries qui semblait pousser suivant un angle précaire au bord de la falaise calcaire. Elle s’arrêta pour contempler le panorama. Elle avait eu beau le voir souvent au cours de l’année écoulée, tandis qu’elle notait les levers et couchers de la lune et du soleil, ce point de vue bien dégagé ne manquait jamais de l’émouvoir. En contrebas, la Rivière déroulait ses méandres du nord au sud. Des nuages sombres serraient de près les crêtes des collines de l’autre côté du cours d’eau et les cachaient à moitié. Il était probable que le ciel se dégage à l’aube le lendemain, moment auquel elle devait voir où le soleil se levait pour comparer avec la veille.

Elle se tourna de l’autre côté. Le soleil, d’une luminosité aveuglante, déclinait ; il allait bientôt se coucher et le ventre rosé des quelques nuages blancs floconneux annonçait un spectacle grandiose. Elle continua de parcourir l’horizon du regard. Elle regrettait presque que la vue soit dégagée à l’ouest. Je n’aurai pas d’excuse pour ne pas remonter ici cette nuit, pensa-t-elle en repartant vers la Neuvième Caverne.

À son arrivée, son logis sous le surplomb calcaire était froid et désert. Jondalar et Jonayla avaient dû aller prendre leur repas du soir chez Proleva ou peut-être chez Marthona. Elle était tentée de les rejoindre, mais à quoi bon s’il lui fallait de toute façon ressortir ?

Elle trouva de l’amadou, un silex et une pierre à feu près du foyer refroidi et fit du feu. Quand il brûla bien, elle y déposa des pierres de cuisson, puis jeta un coup d’œil à l’outre, qui heureusement était pleine. Elle versa de l’eau dans un bol en bois pour préparer une infusion. Elle fouilla autour du foyer et trouva de la soupe froide dans un panier à tressage serré qui avait été enduit d’argile pour faciliter la cuisson et rendre le récipient encore plus étanche, pratique adoptée par la plupart des femmes depuis quelques années. Avec une louche taillée dans une corne d’ibex, elle préleva une partie du contenu en ramassant bien le fond et prit avec les doigts quelques morceaux de viande froide et une racine un peu ramollie, puis approcha le pot du feu et, avec des pincettes en bois recourbé, poussa quelques braises autour.

Elle alimenta le feu avec un peu de petit bois, puis s’assit en tailleur sur un coussin en attendant que les pierres chauffent pour amener l’eau à ébullition et ferma les yeux. Elle était fatiguée. L’année précédente avait été particulièrement éprouvante pour elle car elle avait dû souvent veiller la nuit. Elle faillit s’assoupir.

D’une pichenette, elle projeta sur les pierres de cuisson quelques gouttes d’eau qui s’évaporèrent en sifflant, puis avec les pincettes en bois aux extrémités noircies elle prit une pierre dans le feu et la laissa tomber dans le bol d’eau. L’eau bouillonna et dégagea un nuage de vapeur. Elle ajouta une deuxième pierre, puis une troisième, attendit quelques instants, préleva un plein bol d’eau fumante, y jeta quelques pincées de feuilles séchées prélevées dans l’un des paniers fermés alignés sur une étagère près du foyer et reposa le bol en attendant que la tisane infuse.

Elle vérifia le contenu d’un petit sac suspendu à une cheville fichée dans l’un des poteaux de soutènement : deux petits morceaux plats de ramure de mégacéros et un burin en silex dont elle se servait pour entailler les plaques de corne. Elle s’assura que l’extrémité biseautée de l’outil était toujours bien affûtée, car elle s’épaufrait à l’usage. En guise de poignée, l’autre extrémité avait été insérée dans un bout de ramure de chevreuil ramolli dans l’eau bouillante, qui avait durci à nouveau en séchant. Sur l’une des deux plaques de corne elle avait consigné les couchers du soleil et de la lune ; sur la deuxième, elle avait fait des marques indiquant le nombre de jours écoulés d’une pleine lune à la suivante, d’autres montrant l’absence de lune et deux demi-disques tournés en sens inverse. Elle attacha le petit sac à la lanière passée autour de sa taille, puis versa à la louche un peu de soupe chaude dans un bol en bois et but, en s’arrêtant de temps en temps pour manger un morceau de viande.

Dans son coin à dormir, elle alla chercher son manteau doublé de fourrure à capuchon et s’en enveloppa les épaules – il faisait froid la nuit, même en été –, prit la tasse d’infusion et sortit du gîte. Elle retourna vers le sentier qui montait à l’arrière de l’abri, juste après le bord du surplomb, et commença à grimper en se demandant où était Loup. Il était souvent son seul compagnon au cours de ses longues nuits de veille, couché par terre à ses pieds quand elle restait assise au sommet de la falaise, emmitouflée dans des vêtements chauds.

Non loin de l’étrange roche penchée profondément enchâssée dans le haut de la falaise, le sol portait les marques circulaires noires couvertes de charbon de bois calciné et entourées de pierres des foyers ; quelques gros galets faisaient de bonnes pierres de cuisson. À côté d’un affleurement rocheux, une dépression avait été creusée dans le calcaire friable près de la colonne penchée. Un grand panneau d’herbe sèche tressée était appuyé contre la pierre pour protéger de la pluie. Dessous étaient rangés deux ou trois bols, dont un pour la cuisson, et un sac de cuir contenant quelques objets : un couteau en silex, deux sachets de tisane, de la viande séchée. Tout près, une fourrure roulée renfermait une pochette de cuir brut contenant le matériel nécessaire à faire du feu, une lampe en pierre rudimentaire, quelques mèches et quelques torches.

Ayla mit de côté la pochette ; elle n’allumerait pas de feu avant le lever de lune. Elle étala la fourrure et s’installa à sa place habituelle, le dos calé contre l’affleurement, afin d’observer l’horizon à l’ouest. Elle prit dans son petit sac les plaques en corne et le burin de silex, regarda attentivement ce qu’elle avait consigné jusque-là concernant le coucher du soleil, puis tourna à nouveau les yeux vers l’occident.

La nuit précédente, le soleil s’est couché juste à gauche de cette petite éminence, se dit-elle en plissant les yeux pour ne pas être éblouie.

L’astre du jour glissa derrière une brume poussiéreuse proche du sol, qui atténua l’incandescence du disque rouge. Il était aussi rond que sa compagne nocturne quand elle était pleine. Les deux orbes célestes étaient parfaitement circulaires, les seuls cercles parfaits de son environnement. La brume permettait de mieux voir le soleil et de situer avec précision le lieu de son coucher sur la ligne d’horizon découpée par la silhouette des collines. Dans la lumière affaiblie, elle fit une entaille sur sa plaque de corne.

Puis elle se tourna vers l’est, du côté de la Rivière. Les premières étoiles avaient fait leur apparition dans le ciel de plus en plus sombre. La lune n’allait pas tarder à se montrer, elle le savait, bien qu’il arrivât parfois qu’elle se lève avant le coucher du soleil ; parfois même, elle présentait en plein jour une face plus pâle sur le fond bleu clair du ciel. Elle avait observé le lever et le coucher du soleil pendant près d’un an et, si elle détestait être séparée de Jondalar et de Jonayla comme l’exigeait cette étude des corps célestes, les connaissances qu’elle avait acquises la fascinaient. Ce soir, cependant, elle se sentait perturbée. Elle avait envie de rentrer au logis, de se glisser entre ses fourrures avec Jondalar, envie qu’il la tienne dans ses bras, la caresse et lui procure ces sensations que lui seul savait éveiller. Elle se leva, se rassit et tenta de trouver une position plus confortable pour se préparer à sa longue nuit solitaire.

Pour passer le temps et rester plus facilement éveillée, elle se concentra sur la répétition à voix basse de quelques-unes des nombreuses chansons, histoires et légendes qu’elle avait confiées à sa mémoire. Bien que celle-ci fût excellente, il lui fallait retenir une grande quantité d’informations. Elle n’avait pas une voix mélodieuse et elle n’essayait pas de les chanter comme le faisaient beaucoup de Zelandonia. Zelandoni lui avait dit cependant qu’il n’était pas nécessaire de chanter à condition de connaître les paroles et leur sens. Le loup, somnolant près d’elle, semblait aimer le ronronnement monotone de sa voix douce, mais même Loup n’était pas avec elle ce soir.

Elle décida de réciter une de ces histoires, une histoire qui parlait du temps jadis, une histoire qui lui donnait particulièrement du fil à retordre. C’était l’une des premières fois qu’étaient mentionnés ceux que les Zelandonii appelaient les Têtes Plates, ceux qu’elle considérait comme formant son Clan, mais son esprit partait sans cesse à la dérive. L’histoire était pleine de noms qui ne lui étaient pas familiers, d’événements qui ne signifiaient rien pour elle et de concepts qu’elle ne comprenait pas tout à fait ou dont elle ne reconnaissait pas la vérité. Elle pensait sans arrêt à ses propres souvenirs, à sa propre histoire, à ses premières années avec le Clan. Peut-être ferait-elle mieux de passer à une légende. C’était plus facile. Elles racontaient souvent des histoires drôles, parfois tristes, qui expliquaient ou illustraient des coutumes et des comportements.

Elle entendit un bruit ténu, une respiration haletante, et se retourna : Loup gravissait le sentier et venait la retrouver. Il bondit vers elle, manifestement heureux de la voir. Elle éprouvait le même sentiment.

— Salut, Loup, dit-elle en ébouriffant son épaisse fourrure autour de son cou.

Elle lui sourit et le regarda dans les yeux en lui tenant la tête.

— Comme je suis contente de te voir. Je suis d’humeur à avoir de la compagnie, ce soir.

Il lui lécha le visage, puis lui prit tendrement la mâchoire entre ses crocs.

— Je crois que toi aussi tu es content de me voir. Jondalar et Jonayla sont sûrement rentrés et elle dort probablement. Ça me rassure de savoir que tu veilles sur elle, Loup, quand je ne peux pas être là.

Le loup s’installa à ses pieds, elle se serra dans son manteau, se renversa en arrière pour attendre le lever de la lune et essaya de se concentrer sur la Légende d’un des ancêtres des Zelandonii, mais au lieu de cela elle se rappela le jour où elle avait failli perdre Loup au cours de leur Voyage. Ils étaient en train d’effectuer la traversée périlleuse d’une rivière en crue et avaient été séparés de lui. Elle se souvint de s’être mise à sa recherche, frigorifiée, trempée et affolée à l’idée de l’avoir perdu. Elle ressentit à nouveau la terreur qu’elle avait éprouvée en le retrouvant, inconscient, craignant qu’il ne soit mort. Jondalar les avait rejoints et, bien que lui aussi fût transi et encore mouillé, il s’était occupé de tout. Elle avait si froid, était si épuisée, qu’elle avait été incapable de faire quoi que ce soit. Il avait construit un abri, les avait portés à l’intérieur, elle et le loup à moitié noyé, avait veillé sur les chevaux, pris soin d’eux tous.

Elle s’arracha à ce souvenir, revint au présent, se languissant de Jondalar.

Je pourrais essayer de compter, pensa-t-elle.

Elle commença à prononcer les mots à compter, un, deux, trois, se rappela le plaisir qu’elle avait éprouvé quand Jondalar les lui avait appris. Elle avait immédiatement compris cette notion abstraite et commencé à compter les objets qu’elle voyait dans sa caverne : elle avait un coin pour dormir, deux chevaux, un, deux… Jondalar a les yeux si bleus…

Suffit, se dit-elle. Elle se leva et se dirigea vers la colonne de pierre qui semblait en équilibre précaire au bord de la falaise. L’été précédent, plusieurs hommes avaient tenté de la faire basculer et n’y avaient pas réussi. C’était la pierre que Jondalar et elle avaient vue d’en bas à leur arrivée, celle qui se découpait sur le fond du ciel. Elle se souvenait vaguement de l’avoir d’abord rêvée.

Elle posa la main près de la base de la grosse pierre et la retira précipitamment. À son contact, elle avait senti des picotements au bout des doigts. Dans la faible clarté de la lune, la pierre paraissait avoir bougé légèrement, s’être penchée davantage vers le bord, et elle semblait luire. Elle se recula sans quitter des yeux la colonne de pierre. Ce devait être un effet de son imagination. Elle secoua la tête et ferma les yeux, puis les ouvrit. La pierre paraissait tout ce qu’il y a d’ordinaire. Elle tendit la main pour la toucher à nouveau. La sensation produite était bien celle de la roche, mais en laissant la main sur la pierre rugueuse elle sentit encore un picotement.

— Loup, je crois que cette nuit le ciel pourra se passer de moi, dit-elle. Je commence à voir des choses qui n’existent pas. Et regarde ! La lune est déjà là et j’ai manqué son lever. De toute façon, je ne fais rien de bon, ce soir.

Elle descendit le sentier avec précaution, éclairée par la lune et les étoiles, Loup ouvrant la marche. Elle jeta encore un coup d’œil au rocher incliné. Il semble toujours luire, pensa-t-elle. J’ai peut-être trop regardé le soleil. Zelandoni lui avait bien dit de faire attention.

Ayla entra sans bruit dans son habitation. C’était beaucoup plus sombre à l’intérieur, mais elle y voyait grâce au reflet sur le toit du logis d’un grand feu communautaire qui avait été allumé en début de soirée et flambait encore. Tout le monde paraissait dormir, une petite lampe donnait un peu de lumière. On en allumait souvent une pour Jonayla. Il lui fallait plus de temps pour s’endormir dans l’obscurité totale. La mèche de lichen trempée dans la graisse fondue brûlait assez longtemps et c’était bien commode quand Ayla rentrait tard dans la nuit. Elle regarda derrière la cloison où Jondalar dormait. Jonayla s’était encore faufilée près de lui. Elle leur sourit et se dirigea vers le lit de Jonayla, ne voulant pas les déranger. Puis elle s’arrêta, secoua la tête et retourna à leur lit.

— C’est toi, Ayla ? demanda Jondalar d’une voix ensommeillée. C’est déjà le matin ?

— Non, je suis revenue plus tôt, cette nuit, dit-elle en prenant dans ses bras l’enfant blonde pour la remettre dans son lit.

Elle la borda et déposa un baiser sur sa joue, puis retourna au lit qu’elle partageait avec Jondalar. Il était réveillé, appuyé sur un coude.

— Pourquoi as-tu décidé de rentrer plus tôt ?

— Je n’arrivais pas à me concentrer.

Elle lui sourit, sensuelle, et se déshabilla, puis se glissa à côté de lui. La place laissée par sa fille était encore chaude.

— Tu te souviens de m’avoir dit un jour que chaque fois que j’avais envie de toi, il me suffisait de faire ça ? dit-elle avant de lui donner un long baiser.

La réaction de Jondalar ne se fit pas attendre.

— C’est toujours vrai, dit-il d’une voix rauque.

Les nuits avaient été longues et solitaires pour lui aussi. Jonayla était mignonne et câline, et il l’aimait, mais c’était une enfant et la fille de sa compagne, pas sa compagne. Pas la femme qui éveillait son désir et l’avait toujours si bien satisfait.

Il la prit dans ses bras avec passion, baisa sa bouche, son cou puis son corps avec ardeur. Elle était tout aussi pleine de désir, aussi ardente, et éprouvait un besoin presque désespéré de sentir son corps. Il l’embrassa de nouveau, lentement, explora sa bouche avec sa langue, puis son cou, se pencha sur l’un de ses seins, en prit le bout dans sa bouche. Des vagues de plaisir parcoururent Ayla. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas trouvé le temps de jouir du Don de Plaisir fait par la Mère.

Il suça le mamelon, puis l’autre, lui caressa les seins. Elle éprouvait des sensations jusqu’au tréfonds d’elle-même, à l’endroit qui brûlait d’envie de lui. Il posa la main sur son ventre et le caressa doucement. Il avait une certaine mollesse qu’il aimait, une légère rondeur qui la rendait encore plus féminine. Quand il posa la main sur la toison de son pubis, puis passa un doigt dans le haut de sa fente et commença un lent mouvement circulaire, elle eut l’impression de fondre dans un océan de plaisir. Lorsqu’il atteignit l’endroit le plus sensible, des frissons la parcoururent, elle gémit et cambra le dos.

Il descendit plus bas, trouva l’entrée de sa caverne chaude et humide, y introduisit son doigt. Elle écarta les jambes pour lui faciliter l’accès. Il vint se placer entre elles, se baissa et goûta au fruit tant désiré. C’était le goût qu’il connaissait, le goût d’Ayla qu’il aimait. Des deux mains, il ouvrit ses pétales et la lécha avec sa langue chaude, explora sa fente et ses replis jusqu’à trouver le bouton, qui s’était durci un peu. Chacun de ses mouvements était pour elle un embrasement délicieux à mesure que le désir croissait en elle. Elle n’avait plus conscience de rien, hormis de Jondalar et de la marée montante du plaisir qu’il lui donnait.

Son membre viril glorieusement dressé aspirait à la délivrance. Le souffle d’Ayla s’accéléra, chaque respiration accompagnée d’un gémissement, puis elle atteignit un sommet et se sentit déborder. Il sentit sa chaleur humide, se recula et la pénétra. Elle était prête et se cambra pour mieux le prendre en elle. En sentant son membre glisser dans son puits chaud et accueillant, il gémit de plaisir. Cela faisait si longtemps…

Elle s’ouvrit entièrement et quand il se sentit baigner dans cette chaleur féminine, il fut soudain reconnaissant que la Mère l’ait conduit à elle, lui ait permis de trouver cette femme. Il avait presque oublié à quel point ils s’accordaient bien. Il connaissait les délices suprêmes en s’abîmant en elle encore et encore. Elle se donnait à lui, jouissait des sensations qu’il lui procurait. Soudain, presque trop tôt, elle sentit le plaisir monter. Il s’intensifia puis les emporta en une décharge volcanique.

Ensuite, ils se reposèrent, mais leur violent désir mutuel n’était pas tout à fait apaisé. Ils s’aimèrent encore, langoureusement, en prolongeant chaque toucher, chaque caresse, jusqu’au moment où, ne pouvant plus se retenir, ils se laissèrent déborder par une nouvelle explosion d’énergie. Quand Ayla s’apprêta à s’endormir à côté de Jondalar sous leurs chaudes fourrures, elle vit un rai de lumière matinale filtrer à travers le plafond. Elle était plus que comblée, elle se sentait rassasiée.

Elle regarda Jondalar. Il avait les yeux clos, un sourire béat éclairait son visage. Elle ferma les yeux elle aussi. Pourquoi avait-elle tant attendu ? s’étonna-t-elle. Elle essaya de se rappeler combien de temps cela faisait. Elle rouvrit brusquement les yeux. Ses herbes médicinales ! Quand les avait-elle prises pour la dernière fois ? Elle n’avait pas à s’en soucier quand elle allaitait, sachant qu’il était peu probable qu’elle tombe enceinte durant cette période, mais Jonayla était sevrée depuis plusieurs années. Elle avait pris l’habitude de faire une infusion d’herbes contraceptives, mais s’était montrée négligente dernièrement. Elle avait quelquefois oublié de la préparer, mais elle était persuadée qu’une femme ne pouvait concevoir sans un homme et, comme elle avait passé ses nuits sur la falaise et n’avait pas partagé très souvent les Plaisirs avec Jondalar, elle ne s’était pas inquiétée.

Sa formation d’acolyte avait été éprouvante et avait exigé des périodes de jeûne, la privation de sommeil et d’autres restrictions, en particulier l’abstinence des Plaisirs durant un certain temps. Pendant près d’un an, elle avait veillé la nuit pour étudier les mouvements des objets célestes. Mais cet apprentissage rigoureux était presque terminé. Son année d’observation du ciel nocturne allait bientôt s’achever, au Long Jour d’Été exactement, moment auquel elle pourrait être agréée comme acolyte à part entière. Elle était déjà habile dans l’art de guérir, sinon sa formation aurait duré beaucoup plus longtemps, ce qui ne l’empêcherait pas de ne jamais cesser d’étudier.

Ensuite, à tout moment, elle pourrait devenir Zelandoni, bien qu’elle eût maintenant des doutes. Pour cela, il fallait qu’elle soit « appelée », processus mystérieux que personne n’était en mesure d’expliquer mais dont tous les Zelandoni avaient fait l’expérience. Quand un acolyte prétendait avoir été appelé, l’aspirant doniate subissait un examen probatoire devant d’autres Zelandonia, qui acceptaient ses prétentions ou les rejetaient. Si elles étaient acceptées, on trouvait une place à Celui qui Sert la Mère fraîchement émoulu, d’assistant d’un ou d’une Zelandoni. Si elles étaient rejetées, l’acolyte restait un acolyte mais on lui donnait généralement des explications afin qu’il comprenne mieux l’appel la prochaine fois qu’il le sentirait. Certains acolytes n’atteignaient jamais la position de Zelandoni et se contentaient de la leur, mais la plupart désiraient être appelés.

Avant de s’endormir, elle songea aux Plaisirs. Elle était la seule à être convaincue qu’ils étaient à l’origine d’une vie nouvelle qui se développait dans les entrailles d’une femme. Si elle était enceinte, elle serait sans doute trop occupée par son nouveau bébé pour penser à un quelconque appel.

L’avenir le dira, ce qui est fait est fait, inutile de s’inquiéter de savoir si je suis enceinte ou non maintenant, se dit-elle. Et serait-ce si ennuyeux d’avoir un autre enfant ? Un bébé, ça pourrait être bien.

Elle ferma les yeux et se détendit à nouveau, puis sombra dans un sommeil bienheureux.

 

 

Ce fut l’un des enfants qui remarqua le premier les signaux de fumée lancés par la Troisième Caverne et les indiqua à sa mère, qui les montra à sa voisine, et toutes deux se rendirent chez Joharran. Avant même qu’elles y soient parvenues, d’autres avaient aussi vu les signaux. Proleva et Ayla sortaient du logis au moment où la petite foule y arrivait. Elles levèrent les yeux, un peu surprises.

— De la fumée qui monte du Rocher des Deux Rivières, dit l’un.

— Des signaux de la Troisième Caverne, dit un autre en même temps.

Joharran suivit sa compagne. Il gagna le bord de la corniche rocheuse.

— Ils vont envoyer un messager, déclara-t-il.

Le messager arriva peu après, hors d’haleine.

— Des visiteurs ! lança-t-il. De la Vingt-Quatrième Caverne des Zelandonii du Sud, y compris leur principale Zelandoni. Ils se rendent à notre Réunion d’Été, mais veulent s’arrêter à plusieurs Cavernes en cours de route.

— Ils viennent de loin, remarqua Joharran. Il va leur falloir une habitation.

— Je vais aller le dire à la Première, proposa Ayla.

Mais je ne partirai pas avec tous les autres cette année, pensa-t-elle en prenant le chemin du logis de Zelandoni. Je dois attendre le Long Jour d’Été. Elle en était un peu désolée. J’espère que les visiteurs ne quitteront pas la Réunion trop tôt, mais ils sont venus de très loin et devront peut-être repartir assez vite pour rentrer chez eux avant l’hiver. Ce serait dommage.

— Je vais jeter un coup d’œil à la grande aire de rassemblement de l’autre côté, annonça Proleva. Ils seraient bien là, mais ils vont avoir besoin au moins d’eau et de bois pour faire du feu. Combien sont-ils ?

— À peu près autant que dans une petite Caverne, répondit le messager.

Cela peut représenter une trentaine de personnes, peut-être plus, pensa Ayla, recourant mentalement à la technique qu’elle avait apprise au cours de sa formation pour compter les nombres les plus importants. Compter avec les doigts et les mains était plus compliqué qu’en se servant des mots à compter et il fallait comprendre comment faire, mais comme tout ce qui concernait les Zelandonia, c’était encore plus complexe qu’il n’y paraissait. Cela pouvait vouloir dire quelque chose de complètement différent. Chaque signe avait plus d’une signification.

Après avoir annoncé la nouvelle à la Première, Ayla partit rejoindre Proleva de l’autre côté de la grande saillie en surplomb et en profita pour apporter du bois. Se procurer du combustible pour faire du feu exigeait une attention et des efforts constants. Tout le monde, même les enfants, ramassait tout ce qui pouvait brûler : bois, broussailles, herbe, bouses séchées, et on conservait la graisse de tous les animaux que l’on chassait, y compris un carnivore de temps à autre. Pour vivre dans des régions froides, le feu était indispensable, tant pour se chauffer que pour s’éclairer, sans parler de cuire les aliments afin de les rendre plus faciles à mâcher et plus digestes. Bien qu’on utilisât un peu de graisse pour la cuisine, celle-ci servait le plus souvent à faire du feu. Nourrir le feu était astreignant mais essentiel pour entretenir la vie des bipèdes tropicaux dont l’évolution s’était déroulée sous des climats plus chauds et qui s’étaient disséminés autour du monde.

— Ah, te voilà, Ayla ! dit Proleva. Je pensais que nous mettrions à la disposition des visiteurs l’endroit proche du ruisseau alimenté par la source qui sépare la Neuvième Caverne d’En-Aval, mais je me suis posé des questions à propos des chevaux. Ils sont trop près de l’endroit dont je parle ; crois-tu qu’il serait possible de les déplacer ? Cette proximité risque de déconcerter nos visiteurs.

— J’y songeais justement, et pas seulement à cause des visiteurs. Les chevaux seraient gênés par la présence de tant d’inconnus. Je crois que je vais les conduire pour l’instant dans la Vallée du Bois.

— Bonne idée.

Les visiteurs arrivèrent, se présentèrent, furent installés dans leur espace de vie provisoire et nourris, après quoi tout le monde se sépara en plusieurs groupes. L’un, composé de la Première et d’Ayla, des Zelandonia des visiteurs et de leurs acolytes, des Zelandonia des Troisième, Quatorzième et Onzième Cavernes, et de quelques autres, retourna à l’aire de réunion, de l’autre côté de l’immense abri. Un feu avait été allumé avant que les voyageurs soient partis manger et quelqu’un l’alimenta de nouveau, puis mit de l’eau dans un grand récipient et des pierres de cuisson dans le feu. Chacun apporta sa tasse pour boire l’infusion en préparation et les conversations allèrent bon train.

Les visiteurs parlaient de leurs voyages et tous échangeaient des idées sur les rituels et la médecine. La Première suscita un grand intérêt en évoquant la boisson contraceptive. Ayla dit de quelles herbes elle se servait, les décrivant soigneusement afin d’éviter toute confusion avec des plantes similaires. Elle parla un peu du long Voyage qu’elle avait fait à partir du pays des chasseurs de mammouths et on comprit que c’était une étrangère venue de loin. Son accent ne surprit pas outre mesure les visiteurs parce que eux aussi parlaient avec un accent, tout en pensant que c’étaient les Zelandonii du Nord qui en avaient un. Ayla trouva leur façon de parler approchante de celle des gens qu’ils avaient rencontrés au cours de son Périple de Doniate, et cela lui rappela la manière dont Beladora, la compagne de Kimeran, prononçait certains mots.

Comme la soirée tirait à sa fin, la Zelandoni principale des visiteurs dit :

— Je suis contente de mieux te connaître, Ayla. Nous avons entendu parler de toi jusque chez nous et je crois que nous sommes sans doute la Caverne la plus éloignée où on se réclame encore de faire partie des Enfants de Doni. Et où on reconnaît la Première parmi Ceux Qui Servent la Mère, ajouta-t-elle en se tournant vers l’imposante Première.

— J’imagine que tu es considérée comme la Première de ton groupe de Zelandonii du Sud, répondit celle-ci. Nous, nous vivons trop loin pour que vous me reconnaissiez ce titre.

— Peut-être le suis-je localement, mais nous continuons à considérer cette région comme notre pays d’origine, et toi comme la Première. C’est dit dans nos Histoires et Légendes Anciennes, dans nos enseignements. C’est l’une des raisons de notre venue : renouer les liens.

Et décider si tu veux les conserver, pensa la Première. Elle avait remarqué chez certains des visiteurs des expressions qui, sans être dédaigneuses, étaient à tout le moins dubitatives, et elle avait surpris des conversations à voix basse dans ce qui était sans doute un dialecte des Zelandonii du Sud, mettant en question certaines des façons de faire des Zelandonia du Nord, critiques émises surtout par un jeune homme. Il pensait probablement que personne ici ne comprenait la variante du zelandonii qu’ils parlaient – rares étaient ceux qu’ils avaient rencontrés qui la comprenaient –, mais la Première avait pas mal voyagé dans ses jeunes années, et plus récemment avec Ayla. Elle avait accueilli de nombreux visiteurs venus de loin et apprenait les langues assez facilement, surtout les variantes du zelandonii. Elle jeta un coup d’œil à Ayla, qui, elle le savait, était particulièrement douée pour les langues et capable d’en assimiler une nouvelle, même bizarre, plus vite que quiconque.

Ayla perçut le regard de son mentor et son coup d’œil en direction du jeune homme. Elle hocha la tête discrètement pour lui confirmer qu’elle aussi avait compris ce qu’il disait.

— Je suis charmée de te connaître, dit la Première. Peut-être pourrons-nous vous rendre visite un jour.

— Vous serez toutes les deux les bienvenues, répondit la Zelandoni.

La grosse femme sourit, tout en se demandant combien de temps encore elle serait capable de faire des voyages, surtout des longs.

— Vous avez apporté de nouvelles idées intéressantes que j’ai eu plaisir à découvrir et je vous en remercie, dit-elle.

— J’ai été très contente que vous nous fassiez connaître vos remèdes, ajouta Ayla.

— J’ai appris beaucoup, moi aussi. Je suis particulièrement heureuse de savoir comment dissuader la Mère d’accorder à une femme le bonheur d’enfanter. Il en est qui ne devraient plus porter d’autre enfant, en raison de leur santé ou pour le bien de leur famille, expliqua la Zelandoni.

— C’est Ayla qui a apporté ces connaissances, reconnut la Première.

— J’aimerais donc lui donner quelque chose en échange, et à toi aussi, Première parmi Ceux Qui Servent la Mère. J’ai une mixture qui possède des propriétés remarquables. Je vais vous la laisser pour que vous l’essayiez, répondit la Zelandoni de la Vingt-Quatrième Caverne du Sud. Ne l’ayant pas prévu, je n’en ai qu’un sachet avec moi, mais je pourrai en préparer à mon retour.

Elle ouvrit son sac de voyage, en sortit sa boîte de remèdes et en tira un petit sac, qu’elle leur tendit.

— Vous trouverez certainement cela intéressant et peut-être utile.

La Première indiqua qu’elle devait le donner à Ayla.

— C’est très puissant. Sois prudente quand tu en feras l’essai, dit la visiteuse en le remettant à la jeune femme.

— Cela se prépare en décoction ou en infusion ? demanda Ayla.

— Ça dépend de ce que tu veux. Chaque préparation lui confère des propriétés différentes. Je t’en donnerai la composition plus tard, mais j’imagine que tu l’auras alors découverte par toi-même.

Ayla avait hâte d’en savoir plus. Elle examina le petit sac. En cuir souple et fermé par un cordon apparemment tressé avec les longs crins d’une queue de cheval. Elle défit les nœuds bizarres qui avaient été enfilés dans les œillets percés dans le haut de la pochette et l’ouvrit.

— Je suis sûre de l’un des ingrédients, dit-elle en reniflant le contenu. De la menthe !

Le parfum lui rappela aussi la forte infusion qu’ils avaient goûtée quand ils avaient rendu visite à l’une des Cavernes des Zelandonii du Sud. Elle referma la pochette et refit les nœuds à sa manière.

La visiteuse sourit. Elle se servait de la menthe pour caractériser cette mixture, mais le mélange était bien plus puissant que cette herbe inoffensive. Elle espérait être encore là quand quelqu’un l’essaierait. Cela lui permettrait d’évaluer le savoir-faire et les connaissances des Zelandonia du Nord.

 

 

Ayla sourit à Zelandoni.

— J’en ai peut-être un autre en route.

Elles avaient parlé d’enfants et c’était la Première qui avait abordé le sujet.

— Je me posais la question. Tu n’as pas l’air de devenir grosse, comme moi – je doute que tu le sois jamais –, mais tu sembles te remplir par endroits. Combien de périodes lunaires as-tu manquées ?

— Juste une ; elle aurait dû venir il y a quelques jours. Et je me sens parfois un peu nauséeuse le matin.

— J’ai bien l’impression que tu vas avoir un bébé. Ça te fait plaisir ? demanda Zelandoni.

— Oh oui. Je voulais un autre enfant, même si j’ai à peine le temps de m’occuper de celle que j’ai déjà. Heureusement que Jondalar prend si bien soin d’elle.

— Tu lui as déjà annoncé la nouvelle ?

— Non. C’est trop tôt. On ne sait jamais. Je sais qu’il aimerait avoir un autre enfant dans son foyer et je ne veux pas lui faire une fausse joie. L’attente est déjà assez longue à partir du moment où ça commence à se voir, sans la prolonger encore.

Ayla pensa à la nuit où elle était rentrée tôt de la falaise et se rappela combien tous les deux avaient été heureux. Puis elle se souvint de la première fois où elle avait partagé les Plaisirs avec Jondalar. Elle sourit par-devers elle.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? s’enquit Zelandoni.

— Je pensais à la première fois où Jondalar m’a révélé le Don des Plaisirs, là-bas dans ma vallée. Jusque-là, j’ignorais absolument tout des Plaisirs, et même qu’ils puissent exister. À l’époque, c’est tout juste si je pouvais communiquer avec Jondalar. Il m’avait appris à parler le zelandonii, mais une grande partie de sa langue et la plupart de ses manières m’étaient encore complètement étrangères. Comme une mère se doit de le faire, Iza m’avait expliqué comment les femmes du Clan usaient d’un certain signal pour encourager un homme, tout en pensant sans doute que je n’en aurais jamais besoin.

« J’ai lancé le signal à Jondalar, mais il n’a pas réagi. Par la suite, il m’a de nouveau montré les Plaisirs, parce qu’il le voulait, non parce que je le voulais, et je continuais de penser qu’il ne comprendrait jamais mes signaux quand j’avais envie de lui. Je me suis finalement mise à lui parler comme le faisaient les femmes du Clan. Je me suis assise devant lui, la tête baissée, et j’ai attendu qu’il me dise que je pouvais parler, mais il n’a pas compris ce que je voulais. Je le lui ai révélé, finalement. Il a dit qu’il n’était pas certain d’en être capable, mais qu’il était prêt à essayer. En fait, il n’a eu aucun mal à y arriver, dit Ayla, souriant de sa propre innocence.

Zelandoni sourit, elle aussi.

— Il a toujours été obligeant, dit-elle.

— Je l’ai aimé dès que je l’ai vu, avant même de le connaître. Il a été si gentil avec moi, Zelandoni, en particulier quand il me révélait le Don des Plaisirs de la Mère. Je lui ai demandé un jour comment il pouvait connaître certaines choses sur moi que j’ignorais moi-même. Il m’a finalement avoué que quelqu’un l’avait initié, une femme plus âgée que lui, mais je voyais qu’il était profondément troublé. Il t’aimait vraiment, tu sais. Il t’aime toujours, à sa manière.

— Je l’aimais aussi et je l’aime toujours, à ma manière. Mais je ne crois pas qu’il m’ait jamais aimée comme il t’aime.

— J’ai été absente si souvent, surtout la nuit, que ça m’étonne d’être enceinte.

— Peut-être te trompes-tu quand tu penses que son essence se mélange à la tienne en toi, Ayla. Il se peut que ce soit la Mère qui amorce une vie nouvelle en choisissant l’esprit d’un homme et en le mêlant au tien, dit Zelandoni, songeuse.

— Non, je crois que je sais quand cet enfant a été conçu. Une nuit, je suis rentrée tôt ; je n’arrivais pas à me concentrer et j’ai oublié de préparer ma tisane spéciale. Je commence maintenant à aimer la pluie, surtout la nuit, quand il me faut rentrer à la maison parce que je n’y vois rien. Je serai contente, une fois cette année d’observation finie.

La jeune femme observa son mentor puis lui posa la question qui lui brûlait les lèvres :

— Tu m’as dit que tu avais songé à t’unir. Pourquoi ne l’as-tu pas fait ?

— Oui, j’ai failli m’unir, jadis, mais il a été tué dans un accident de chasse, répondit la doniate. Après sa mort, je me suis immergée dans mon apprentissage. Aucun autre homme ne m’a donné envie de m’unir… sauf Jondalar. Il fut un temps où j’envisageais de le faire avec lui – il insistait tant et tu sais comme il peut se montrer persuasif –, mais tu sais aussi que cela m’était interdit. J’étais sa femme-donii et puis j’étais très jeune. Nous aurions dû probablement quitter la Neuvième Caverne et il n’aurait pas été facile de trouver un nouvel endroit où nous installer. J’avais le sentiment que c’était injuste de lui imposer ce départ ; sa famille a toujours beaucoup compté pour lui. Ça lui a été assez pénible d’aller vivre avec Dalanar. Et je n’avais pas envie de partir non plus. Sais-tu que j’ai été sélectionnée pour la Zelandonia et que j’ai commencé mon apprentissage avant même d’être une femme ? Je ne sais trop à quel moment je me suis rendu compte que la Zelandonia était plus importante à mes yeux qu’une union. Et c’est très bien ainsi. Doni ne m’a jamais accordé le bonheur d’enfanter et j’aurais été, je le crains, une compagne sans enfants.

— Je sais que la Zelandoni de la Deuxième Caverne a eu des enfants, mais je ne crois pas avoir jamais vu une Zelandoni enceinte…

— Certaines tombent enceintes, pourtant. Elles font généralement en sorte de perdre le bébé au cours des premières lunes avant d’avoir le ventre trop rond. D’aucunes mènent leur grossesse à terme, puis confient l’enfant à une autre pour qu’elle l’élève, souvent une femme stérile qui désire ardemment avoir un enfant. Celles qui sont unies gardent d’ordinaire le bébé, mais rares sont les femmes de la Zelandonia à l’être. C’est plus facile pour les hommes. Ils peuvent se décharger de l’essentiel des soins de l’enfant sur leur compagne. Tu sais combien cela peut être difficile. Les contraintes qui pèsent sur une femme unie, surtout si elle devient mère, sont souvent en conflit avec les exigences de la Zelandonia.

— Oui, je sais cela, dit Ayla.

 

 

Tous les membres de la Neuvième Caverne attendaient, en proie à une grande excitation. Le départ pour la Réunion d’Été était prévu le lendemain et tous s’affairaient aux préparatifs de dernière minute. Ayla aidait Jondalar et Jonayla à faire les bagages et décidait de ce qu’il fallait emporter ou laisser là, de l’endroit où le ranger ; elle le faisait en partie pour passer davantage de temps en leur compagnie. Marthona s’était aussi jointe à eux. C’était la première fois qu’elle n’allait pas à une Réunion d’Été avec sa Caverne ; elle n’était plus capable de marcher très loin. Elle voulait assister aux préparatifs pour ne pas se sentir complètement exclue. Ayla regrettait de ne pouvoir s’y rendre, elle non plus, mais elle se faisait du souci pour Marthona et était contente de rester là pour s’occuper d’elle.

La vieille femme avait toujours l’esprit vif, mais sa santé déclinait et elle était percluse d’arthrite au point d’être parfois presque incapable de marcher ou même de travailler à son métier à tisser.

Je pourrai partir plus tard, après le Long Jour d’Été, pensa Ayla. Elle aimait Marthona à la fois comme amie et comme mère et elle appréciait sa sagesse pondérée et ses traits d’esprit, pourtant pas toujours aimables. C’était l’occasion de passer davantage de temps avec elle. Ayla pensa que cela compenserait son absence, même partielle, à la Réunion d’Été et décida de trouver le moyen d’être plus souvent avec les membres de sa famille à leur retour. Cependant, si elle ne menait pas à bien son projet de consigner les mouvements du soleil et de la lune cette année, il lui faudrait tout recommencer l’année suivante. Tout serait terminé peu après le Long Jour d’Été. Elle était revenue un peu plus tôt l’année précédente pour mettre son projet à exécution.

L’hiver était la saison la plus difficile pour effectuer des observations. Certains jours, le ciel était si orageux qu’il était impossible de voir le soleil ou la lune, mais il avait été dégagé pendant le Court Jour d’Hiver et les Jours Égaux d’Automne et de Printemps, ce qui était bon signe. Zelandoni l’avait aidée lors du Jour Égal d’Automne. Elles avaient veillé toutes les deux plus d’une journée et une nuit en se servant de mèches spéciales dans une lampe sacrée pour déterminer que le temps écoulé entre le lever et le coucher du soleil était le même qu’entre son coucher et le lever suivant. Ayla s’était chargée de ces observations le Jour Égal du Printemps suivant, sous la houlette de Zelandoni. Comme elle avait eu la chance de voir les moments charnières de la saison froide, elle ne voulait pas renoncer maintenant.

— J’aimerais parfois que nous n’ayons ni chevaux ni travois, dit Jondalar. Cela nous simplifierait la tâche si nous n’avions à nous soucier que de ce que nous pouvons porter sur notre dos. Tous nos amis et parents ne seraient pas là à nous demander si nous pouvons prendre « juste » quelques-unes de leurs affaires… Ces quelques affaires finissent par faire un lourd fardeau.

— Tu ne disposeras pas de Whinney cette année ; dis-leur donc que tu n’as pas autant de place, suggéra Ayla.

— Dis-leur tout simplement non, Jondi, renchérit Jonayla. C’est ce que je réponds à tous ceux qui me demandent.

— Bonne idée, Jonayla, approuva Marthona, mais n’as-tu pas demandé à emporter quelques affaires de Sethona ?

— Mais, grand-maman, c’est ma proche cousine et ma meilleure amie ! s’insurgea Jonayla, indignée.

— Tout le monde dans la Neuvième Caverne est devenu mon « meilleur ami » ou aimerait se croire tel, dit Jondalar. Ce n’est pas facile de dire non. Il se peut qu’un jour j’aie un service à demander à quelqu’un et il se souviendra de mon refus, alors que tout ce qu’il voulait, c’était que quelques-unes de ses affaires soient portées par l’un des chevaux.

— S’il s’agit de si peu de chose, pourquoi ils ne les portent pas eux-mêmes ? fit remarquer Jonayla.

— Nous y voilà. Ce n’est pas toujours si peu de chose. Il s’agit en général de ce qui est lourd et volumineux, des affaires qu’ils n’emporteraient sans doute pas s’il leur fallait les porter eux-mêmes, reconnut Jondalar.

 

 

Le lendemain matin, Ayla, montée sur Whinney, accompagna la Neuvième Caverne sur un bout de chemin.

— Quand crois-tu pouvoir nous rejoindre ? s’enquit Jondalar.

— Après le Long Jour d’Été, mais je ne sais pas exactement quand. Je suis un peu préoccupée par Marthona. Cela dépendra peut-être de son état et de qui est rentré pour l’aider. Quand crois-tu que Willamar reviendra ?

— Ça dépend de l’endroit où les gens ont décidé d’organiser leur Réunion d’Été, répondit Jondalar. Il n’a pas fait beaucoup de longs trajets depuis ton Périple de Doniate, mais il en projetait un plus long que d’habitude cette année. Il disait qu’il souhaitait rendre visite au plus grand nombre de gens possible, tant les Zelandonii des Cavernes les plus éloignées que d’autres. Plusieurs personnes l’ont accompagné et il prévoyait d’en prendre quelques autres avec lui en cours de route. Peut-être est-ce sa dernière longue tournée commerciale.

— C’est ce qu’il a dit, je crois, quand il nous a accompagnés pendant mon Périple de Doniate.

— Cela fait un certain temps qu’il le répète chaque année. Là, je crois qu’il s’est résolu à nommer un nouveau Maître du Troc et il n’arrive pas à décider lequel de ses apprentis choisir. Il va les observer au cours de cette tournée.

— Il devrait les nommer tous les deux, dit Ayla. J’essaierai de venir pour une visite, mais je vais être occupée. Je dois prendre des dispositions pour agrandir notre logis afin que Marthona et Willamar puissent emménager avec nous à l’automne.

Elle se tourna vers sa fille et l’embrassa.

— Sois gentille, Jonayla. Écoute Jondalar et aide Proleva, recommanda-t-elle.

— Je le ferai, mère. J’aurais aimé que tu viennes avec nous.

— Moi aussi, Jonayla. Tu vas me manquer.

Ayla et Jondalar s’embrassèrent et elle resta contre lui un moment.

— Toi aussi tu vas me manquer, Jondalar. Même Rapide et Grise vont me manquer.

Elle donna une caresse d’adieu à chaque cheval et lui enlaça l’encolure.

— Et je suis certaine qu’ils vont manquer aussi à Whinney et à Loup.

Jonayla tapota Whinney et la gratta à l’un de ses endroits favoris, puis elle se pencha et étreignit Loup. L’animal frétilla de plaisir et lui lécha le visage.

— Pouvons-nous emmener Loup avec nous, mère ? Il va tant me manquer ! demanda Jonayla, dans une ultime tentative.

— En ce cas, c’est à moi qu’il manquerait, Jonayla. Non, il est préférable qu’il reste là. Tu le reverras plus tard dans l’été.

Jondalar souleva Jonayla de terre et la hissa sur Grise. Elle comptait maintenant six ans et était capable de monter seule sur le dos d’un cheval s’il y avait une grosse pierre ou une souche d’arbre à proximité, mais dans le cas contraire il lui fallait toujours de l’aide. Jondalar monta sur Rapide et prit Grise par la longe, puis rattrapa rapidement les autres. Restée seule avec Whinney et Loup, Ayla regarda Jondalar et Jonayla s’éloigner et elle ne put retenir ses larmes.

Elle sauta finalement sur le dos de sa jument louvette et chevaucha une partie du chemin, puis s’arrêta et regarda encore la Neuvième Caverne s’en aller. Ils cheminaient à une allure régulière, déployés en une file irrégulière. Montés sur leurs chevaux, Jondalar et Jonayla fermaient la marche en tirant les travois.

 

 

La Réunion d’Été se tenait au même endroit que la première fois où Ayla y avait assisté. Les lieux lui avaient plu et elle avait espéré que Joharran choisirait pour dresser le camp le même site que celui qui avait été utilisé par la Neuvième Caverne cette fois-là. Joharran avait toujours aimé être au cœur des choses et le site choisi pour le camp était un peu éloigné des principales activités, mais ces dernières années il appréciait d’être plus en lisière, ce qui assurait une plus grande sécurité aux chevaux. Et il aimait de plus en plus avoir de l’espace. S’il choisissait l’ancien site, ils disposeraient de toute la place nécessaire pour leur Caverne, beaucoup plus importante que la moyenne, et aussi pour les chevaux. Ayla regarda un moment les siens s’éloigner, puis elle tourna bride, donna le signal du départ à Loup et retourna à la Neuvième Caverne.

Ayla avait ignoré combien l’énorme abri pouvait paraître abandonné quand tant de gens étaient absents, même si des membres de Cavernes voisines étaient venus y séjourner. La plupart des logis étaient fermés et l’abri avait l’air désert. Les outils et le matériel de la grande zone artisanale avaient été démontés et emportés ou rangés, laissant des espaces vides. Le métier à tisser de Marthona était l’un des seuls appareils restants.

Ayla avait demandé à Marthona de s’installer chez eux. Elle tenait à se trouver à proximité si la mère de Jondalar avait besoin de quelque chose, surtout la nuit, et Marthona s’était empressée d’accepter. Comme elle et Willamar projetaient déjà d’emménager avec eux à l’automne, cela lui donnait la possibilité de trier les affaires qu’elle voulait conserver et celles dont elle souhaitait se débarrasser, car elle ne pouvait tout emporter dans leur nouveau logis, plus exigu. Elles parlèrent ensemble longuement et Marthona fut heureuse d’apprendre qu’Ayla était de nouveau enceinte.

La plupart de ceux qui étaient restés là étaient vieux, ou immobilisés pour une raison quelconque. Parmi eux se trouvaient un chasseur à la jambe cassée, un autre qui se remettait d’un coup de corne donné par un aurochs qui s’était brusquement attaqué à lui et une femme enceinte qui avait déjà perdu trois bébés avant la naissance et à qui on avait conseillé de rester allongée si elle voulait avoir une chance d’arriver au terme de sa grossesse. Sa mère et son compagnon lui tenaient compagnie.

— Je suis contente que tu sois là cet été, Ayla, dit Jeviva, la mère de la femme enceinte. Jeralda a gardé son dernier bébé six mois, jusqu’à ce que Madroman s’en mêle. Il lui a conseillé de prendre de l’exercice. Je crois qu’elle a perdu le bébé à cause de lui. Toi au moins, tu connais la grossesse, tu as déjà un enfant.

Ayla regarda Marthona en se demandant si elle savait quelque chose de la façon dont Madroman avait traité Jeralda. Quant à elle, elle n’avait entendu parler de rien. Il était revenu à la Neuvième Caverne l’année précédente en apportant beaucoup de ses affaires, comme s’il prévoyait de rester un certain temps, puis il était parti brusquement, environ une lune plus tôt. À l’époque, un messager d’une autre Caverne était arrivé pour demander à Ayla de venir soigner quelqu’un qui s’était cassé le bras, sa réputation d’être habile à réduire les fractures s’étant propagée. Elle était restée absente quelques jours et à son retour Madroman avait disparu.

— La grossesse de Jeralda est très avancée ? demanda Ayla.

— Ses périodes lunaires n’étaient pas régulières et elle avait repéré du sang ; nous n’avons pas fait très attention et ne savons pas trop quand cette vie a commencé, dit Jeviva. Je crois qu’elle est plus grosse que quand elle a perdu son dernier, mais peut-être me fais-je des idées.

— Je viendrai l’examiner demain, mais je ne crois pas être capable de dire grand-chose. Zelandoni a-t-elle une idée de la raison pour laquelle elle a perdu ses trois premiers ? s’enquit Ayla.

— Tout ce qu’elle a dit, c’est que Jeralda a l’utérus glissant et qu’elle a tendance à les perdre trop facilement. Le dernier ne semblait pas avoir quoi que ce soit d’anormal, si ce n’est qu’il était né trop tôt. Il était vivant à la naissance et il a vécu un jour ou deux, puis il a cessé de respirer.

Jeviva détourna la tête et essuya une larme. Jeralda passa le bras autour de sa mère et son compagnon les tint toutes les deux enlacées un moment. Ayla regarda la petite famille se resserrer au souvenir de ce chagrin. Elle espérait que cette grossesse-ci arriverait à terme.

Joharran avait désigné deux hommes chargés de rester là et de chasser pour les gens demeurés à la Neuvième Caverne et de manière générale pour aider quand ils le pouvaient. Ils allaient être remplacés dans une lune. Jonclotan, le compagnon de Jeralda, s’était quant à lui proposé spontanément pour aller chasser. Les deux autres avaient eu la malchance de perdre le concours organisé par le chef pour décider qui resterait. Le plus âgé s’appelait Lorigan, le plus jeune, Forason. Ils avaient bougonné, mais avaient fini par accepter leur sort, sachant qu’ils n’auraient pas à participer au concours l’année suivante.

Ayla n’avait pas chassé depuis quelque temps, mais n’avait pas perdu la main. Forason, qui était très jeune, eut d’abord des doutes sur l’aptitude à chasser de l’acolyte de la doniate et il crut qu’elle les gênerait, d’autant plus qu’elle avait insisté pour emmener le loup avec elle. Lorigan se borna à sourire. À la fin de la première journée, le jeune homme était confondu par ses prouesses, tant avec le lance-sagaie qu’avec la fronde, et étonné par l’attitude coopérative de l’animal. Sur le chemin du retour, son aîné lui expliqua que c’était elle et Jondalar qui avaient mis au point le lance-sagaie et l’avaient rapporté avec eux en revenant de leur Voyage. Forason eut le bon sens de paraître embarrassé.

Mais la plupart du temps Ayla restait à proximité du vaste abri. Ceux qui se trouvaient là prenaient en général le repas du soir en commun. Lorsqu’ils étaient tous rassemblés autour du feu, l’endroit paraissait moins vide. Les vieux et les infirmes étaient ravis d’avoir une vraie guérisseuse pour s’occuper d’eux. Cela leur procurait un sentiment de sécurité inhabituel. La plupart des étés, on laissait des instructions les concernant aux plus aptes ou aux chasseurs. Au mieux, un acolyte restait là pour des raisons similaires à celles d’Ayla, mais le plus souvent il n’était pas aussi compétent.

Ayla adopta une vie régulière. Elle dormait tard dans la matinée, puis, l’après-midi, elle rendait visite à chacun, écoutait les plaintes, donnait des remèdes, préparait des cataplasmes et faisait tout ce qu’elle pouvait pour améliorer l’état de ses patients. Cela l’aidait à passer le temps. Les liens se resserraient, ils se racontaient mutuellement leur vie ou échangeaient des histoires qu’ils avaient entendues. Ayla s’exerçait à conter les Légendes Anciennes et les Histoires qu’elle apprenait ou bien narrait des incidents de sa vie passée, toutes choses que les autres adoraient écouter. Elle parlait toujours avec son accent étrange, et même s’ils y étaient si habitués qu’ils ne l’entendaient plus vraiment, cela contribuait néanmoins à lui donner un côté mystérieux et exotique, séduisant. Ils l’avaient pleinement acceptée comme une des leurs, mais ils se plaisaient à raconter des histoires sur elle parce qu’elle sortait de l’ordinaire et que, par association, ils avaient ainsi l’impression de se distinguer.

Lorsqu’ils se retrouvaient au soleil en fin d’après-midi, les histoires d’Ayla étaient particulièrement demandées. Elle avait mené une vie très intéressante et ils ne se lassaient jamais de lui poser des questions sur le Clan, de lui demander de leur montrer comment ses membres prononçaient certains mots ou de leur exposer certaines de leurs conceptions. Ils aimaient aussi écouter les chansons et histoires familières entendues dans leur jeunesse. Beaucoup parmi les plus âgés connaissaient certaines Légendes aussi bien qu’elle et étaient prompts à relever ses erreurs, mais du fait que plusieurs d’entre eux venaient d’autres Cavernes, chacun avait souvent sa propre version. Ils discutaient et se chamaillaient parfois sur la question de savoir quelle interprétation était la plus correcte. Ça ne gênait pas Ayla. Les diverses versions l’intéressaient et les discussions l’aidaient à mieux se souvenir. C’étaient des moments paisibles et le temps s’écoulait sans hâte. Ceux qui étaient valides partaient cueillir des fruits, des légumes, des fruits oléagineux et des grains de saison pour améliorer l’ordinaire et constituer des réserves pour l’hiver.

Chaque soir, juste avant le coucher du soleil, Ayla grimpait au sommet de la falaise avec les plaques de corne sur lesquelles elle consignait ses observations. Elle avait pris l’habitude de laisser Loup avec Marthona la nuit et elle avait montré à celle-ci comment l’envoyer la chercher en cas de besoin. Ayla voyait le soleil se déplacer presque imperceptiblement pour disparaître derrière l’horizon occidental un peu plus à droite chaque jour.

Avant que Zelandoni ne lui ait confié cette tâche, elle n’avait pas vraiment prêté attention aux mouvements célestes de ce genre. Elle avait seulement remarqué que le soleil se levait à l’est et se couchait à l’ouest, que la lune passait par différentes phases. Comme la plupart des gens, elle savait qu’on voyait parfois l’astre nocturne durant le jour, mais qu’on ne le remarquait guère parce qu’il était très pâle.

Elle en savait maintenant beaucoup plus. C’était pour cela qu’elle notait les points de l’horizon où le soleil se levait et se couchait, la position de certaines constellations et étoiles et le moment des levers et couchers de lune. C’était la pleine lune et, s’il n’était pas rare que la lune soit pleine le Jour Court de l’Hiver ou le Jour Long de l’Été, ce n’était pas non plus très courant. L’un d’eux coïncidait avec la pleine lune peut-être tous les dix ans, mais du fait que la lune était toujours en opposition par rapport au soleil, elle se levait invariablement au moment où celui-ci se couchait, et parce que le soleil était haut dans le ciel estival, la pleine lune restait basse sur l’horizon toute la nuit. Assise face au sud, Ayla tournait la tête à droite et à gauche pour suivre les deux astres en même temps.

Le premier soir où le soleil semblait s’être couché à la même place que la veille, elle n’était pas sûre d’avoir bien vu. Était-il assez loin à droite sur l’horizon ? Le nombre de jours écoulés était-il le bon ? Était-ce le moment ? Elle observa certaines constellations et la lune, puis décida d’attendre le lendemain soir. Quand le soleil se coucha encore au même endroit, elle éprouva une telle exaltation qu’elle aurait voulu que Zelandoni soit avec elle pour profiter de ces instants.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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